Colloque Jules Legras: Communication donnée le 9 décembre 2017. Dijon
L’histoire de l’amitié de Jules Legras (1866-1939) et de la famille Gorboff telle que nous pouvons la déchiffrer aujourd’hui repose sur la confrontation de plusieurs textes, le Journal de Jules Legras (enfin accessible au public) et les Mémoires de la famille Gorboff. Ils appartiennent à deux catégories différentes que tout oppose mais qui se complètent : un journal, gardé secret, écrit au jour le jour, et des Mémoires écrites en peu de temps, destinées à être lues.
Comme tant de journaux intimes tenus afin de servir de support à la mémoire ou aux émotions de leurs auteurs, le journal de Jules Legras – rédigé pendant 49 ans, sans rajouts, ni corrections -, est unique : en cas de perte, son auteur lui-même eût été incapable de reconstituer ce « corps second » dont parle Frédéric Amiel : « Qu’un incendie, un déménagement m’enlève ce corps et je me sentirai diminué de mon âme, amoindri dans mon être, mutilé, dépouillé irrémédiablement. » Nous connaissons le symbolique « double corps » du roi – physique et politique. Le « corps second » de l’homme, unique et irremplaçable comme lui, son double secret, n’est pas moins significatif. La description minutieuse de ses voyages en Sibérie ou de sa vie en France n’enlève rien à la nature intime du Journal de Jules Legras. J’avais oublié à quel point toute lecture de journal était une effraction. Lire la suite