
Sophie Gorboff (1863-1949), Moscou.
Les « jeunes Gorboff », comme les appelle le « vieux » et charmant Mikhaïl Akimovitch Gorboff (1826-1894) nous font découvrir d’excentriques vieilles dames dont les audaces nous paraissent aujourd’hui bien modestes…Ils font connaissance du pédagogue Ratchinsky qui les incite à suivre le mouvement du « retour à la terre » (la Vérité dans le peuple), grande préoccupation des intellectuels russes. Les écoles rurales sont alors à la mode. Tolstoï fonde une école à Iassnaya Poliana et y enseigne « avec passion ». Les Gorboff et les Tolstoï sont voisins et le meilleur ami de mon père, Dorik Soukhotine, est le beau- fils de Tatiana Lwovna Tolstoï.
Petrovskie Linii, porte n°10, appartement 41…Ceux qui sont venus chez nous, dans notre premier appartement moscovite, sont presque tous morts. Est-ce tellement lointain ? Moi, je revois tout jusqu’au moindre détail : notre grand salon carré aux meubles lourds, avec mon bureau et mon armoire à livres, mon piano Bechstein … Le bureau de papa, long et étroit, tapissé de tissu oriental, donnant sur son cabinet de toilette ; Leskovsky appelait cette tapisserie « Les portes de Tamerlan ». Ma chambre, à gauche du salon. Plus loin, après l’entrée et le couloir, une petite salle à manger. Et un escalier de 87 marches…mais cela n’avait aucune d’importance à nos yeux. Vingt fois par jour, nous montions et descendions cet escalier, heureux d’habiter au cœur de la ville, à côté de toutes les librairies et à deux pas des théâtres et des passages. – Sonia, puisque tu vas te promener, achète-moi un crayon semblable à celui-là. – Kolia, pourrais-tu passer chez P. ou chez B. ? C’est sur ton chemin.
Pour que grand-père puisse arriver jusqu’à nous, nous achetâmes un fauteuil pliant en tissu, avec deux poignées de cuir : le valet et le portier montaient Mikhaïl Akimovitch dans les étages. Nos mères et les autres dames âgées se reposaient sur les paliers où l’on avait mis des chaises, ce qui ne les empêchait pas de reprendre leur souffle avant de sonner à la porte. Lire la suite