
Claude Lanzmann (1927 – 2018) devant l’affiche de son film Shoah. 1985
Son corps est encore tiède et déjà, me dit-on, la haine antisémite se répand sur les réseaux sociaux. Quelle honte ! La haine, et non le respect du défunt et de la mort. Antisémites libérant vos passions en toute impunité, qu’avez – vous accompli de comparable à Shoah ? « J’ai bien le droit de dire ce que je pense », répondez – vous. En effet, mais pas comme cela, si brutalement, si vite, comme si votre parole avait attendu la mort de Claude Lanzmann pour se libérer avec davantage de force que de son vivant.
Simone Veil hier, Claude Lanzmann aujourd’hui. Je les pleure. Avec quelques autres, ils ont été mes pères fondateurs. Et je me rends compte que sans eux, je ne serais pas allée à Auschwitz, n’aurais pas effectué ce retour à la matrice qu’aucun voyage en Russie, passée et présente, n’avait jusqu’alors permis. Les rails de ces trains qui « emmènent les hommes là où ils ne veulent pas aller » (Don Quichotte à propos de bagnards) se croisent. Soljenitsyne et Lanzmann se rejoignent en un point incandescent.
Shoah, Goulag, ces deux mots ont fait trembler le monde. Dans la solitude et parfois la peur, par la seule force de leur parole et de leur esprit, Claude Lanzmann et Alexandre Soljenitsyne ont accompli ce qu’aucun homme, aucun Etat, n’avaient su faire avant eux : ils ont donné un nom à la chose. Rien ne sera plus comme avant. Et même s’ils ont parfois dévié de ce que nous appellerons le « bon chemin », que peut la haine de certains contre de telles œuvres ? Claude Lanzmann est mort hier. Que la terre lui soit légère.
Marina Gorboff, Paris, le 6 juillet 2018
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