Les lettres détruites de Michel Gorboff

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Michel Gorboff (1898-1961) dans les années trente.  Archives Gorboff (c)

Je ne sais quel puissant instinct de conservation né de l’exil, réel ou imaginaire, de ma famille, m’a incité tout au long de ma vie à garder certaines lettres. Elles ont survécu aux déménagements et autres aventures, et s’il m’arrive d’en détruire quelques-unes  – celles des morts ou vifs relégués par le temps dans la catégorie des « sans réelle importance » -, les autres font partie de ce noyau dur de la mémoire que je tente de préserver, ne serait-ce que pour éviter la réécriture de l’histoire. Mais les lettres de ceux que l’on a aimé révèlent parfois des blessures qu’il ne nous appartient pas d’exposer au regard du monde : là encore, il faut sélectionner, c’est-à-dire détruire. C’est ce que j’ai fait avec les lettres de mon père. Où commence la sphère publique, où s’arrête l’intime ? Faut-il tout dire, tout montrer ? 

J’avais oublié leur existence… Elles étaient là, pourtant, au nombre de six, les seules à avoir survécu à la destruction de ces cartes postales et petits mots que mes petits-enfants assimilent à la préhistoire et dont ils ignorent la saveur, comme ils ignorent celle des lettres d’amour et l’attente du facteur.

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