Lorsque Sophie Masloff rédige ce texte, en 1885, elle a vingt deux ans et vit dans la petite ville de Livny, à 37I km de Moscou. Son père Nicolas Ivanovitch Masloff (1826-1882) est mort trois années plus tôt. Leur entente était parfaite et la jeune fille est encore sous le coup de sa disparition. Elle veut sauvegarder sa mémoire et transmettre l’histoire de sa famille. Sophie ignore encore qu’elle épousera Nicolas Gorboff, le fils du grand ami de son père Mikhaïl Akimovitch Gorboff (1826-1894). Ce sera fait deux ans plus tard, en 1887.
Je ne sais si les enfants de Sophie Nicolaevna ont eu connaissance de ce premier cahier de souvenirs. Il m’a été envoyé de Saint-Pétersbourg par André Alexandrovitch Lodkine (né en 1945), dont la mère, née Masloff, était la fille de Michel Masloff, l’un des frères de ma grand-mère. Qu’il soit ici remercié, ainsi que pour les photographies des archives Masloff, notamment pour celle du père de ma grand-mère, Nicolas Ivanovitch, sans laquelle ce blog eut été incomplet.
La lecture des Souvenirs de Sophie Masloff risque d’être quelque peu difficile pour les Français et ceux qui ne sont pas familiers avec le monde russe, notamment à cause de l’emploi fréquent de diminutifs et de patronymes. »Comment veux-tu qu’on s’y reconnaisse? me disait un ami français…On vient de croiser Vania et c’est Ivan Petrovitch qui descend l’escalier »… Qu’ils sachent seulement que le jeune garçon dénommé Nicolà est Nicolas Ivanovitch, le père de Sophie Nicolaevna (fille de Nicolas) Masloff. Afin de faciliter la lecture, nous avons également respecté dans la mesure du possible l’orthographe française des prénoms (Nicolas au lieu de Nicolaï, par exemple). Que les russophones me pardonnent ; ils rectifieront.
Dans ce texte dédié aux petits-enfants « mâles » de Nicolas Masloff, l’auteur désigne constamment son père par « votre grand-père », ce qui n’en facilite pas la lecture.. Ces petits écueils franchis, le lecteur appréciera à sa juste valeur l’histoire de l’ascension d’un jeune paysan russe du milieu du XIXe siècle, ainsi que la description d’un monde qui lui est probablement inconnu.
MES SOUVENIRS
Dédiés aux descendants mâles de Nicolas Ivanovitch Masloff (adresse destinée aux frères de Sophie Nicolaevna)
Si Dieu daigne vous bénir en vous accordant un jour une famille, mes chers frères, je dédie ces souvenirs à vos fils et petits-fils. C’est à eux, à ces enfants, que je pense en écrivant avec amour ces lignes. Que le cœur de ces petits êtres garde en lui l’image de leur grand-père qui n’a pas eu la joie de les connaître ! Que la famille Masloff transmette de génération en génération le récit de la vie de l’homme que fut Nicolas Ivanovitch, remarquable par son intelligence et ses qualités morales …
A vous d’apprécier la véracité et l’exactitude de mon récit ; je vous autorise à corriger tout ce qui serait inexact ou ce que vous pourrez apprendre d’une autre et meilleure source ; mais si vous le faites, ne touchez pas à l’âme de mon récit, écrit avec tout l’amour et le respect que je dois au défunt ! Que les enfants y trouvent le reflet, clair et précis, de la personnalité de leur grand-père, telle qu’elle vit en moi et en vous-mêmes, mes chers frères : tel est mon modeste souhait ! Lire la suite