ПЕРЕВОД С РУССКОГО

Gorky, la propriété des Gorboff
Ma cousine Marie Litviak avait entendu dire que le domaine appelé ’ Yankiny Gorky’ (gorky, collines) dont il est ici question et qui fut un moment la propriété des Gorboff, était l’endroit où mourut Lénine…Vérification faite, ce n’est pas le cas. De Petrovskoe, la propriété des environs de Mzensk tant aimée de mon père, il ne reste rien car elle fut incendiée lors de la révolution. Et c’est peut-être mieux ainsi car … « les vrais lieux ne sont portés sur aucune carte : ils n’y figurent jamais » (Melville)
Les Souvenirs écrits en 1924 par Sophie Gorboff prennent fin avec ce troisième épisode. Trente-neuf années (dont quatre en terre étrangère), séparent la jeune fille de 1885 de la femme en exil. Elle a changé mais l’unité de ton demeure : Sophie Gorboff ne parle que de ceux qu’elle a réellement aimés, son père Nicolas Masloff et son mari, Nicolas Gorboff. Pas un mot, ne serait-ce que d’introduction, sur la fuite, l’exil, la perte de son pays natal, sa nouvelle condition d’émigrée…Seul le passé compte. Elle n’écrira plus.
Le récit de Sophie Nicolaevna s’arrête avant la naissance de ses enfants, mais j’ai néanmoins cherché dans ce texte des traces de l’enfance de mon père. Et comme tous ceux qui ont un jour ouvert un cahier de souvenirs, j’ai eu peur de ne pas aimer les personnages auxquels, que je le veuille ou non, j’étais liée par le sang. A mon grand soulagement, il est apparu que les membres de la famille Gorboff s’inscrivaient sans peine dans le cadre des autres filiations que je revendique, non moins importantes que celle de la famille biologique.
Ce grand-père, à mes yeux moyennement sympathique, que je n’ai pas trouvé en la personne de Nicolas Gorboff, est venu à moi par le biais de son père, le charmant Mikhaïl Akimovitch Gorboff. En véritable dilettante, rien que pour son plaisir, ce riche marchand traduit – mal, probablement, mais quelle importance ? – La Divina Commedia, apprend successivement le chinois et le hongrois, se constitue une bibliothèque pour meubler son esprit. Sophie Nicolaevna a bien fait d’écrire ses Souvenirs…
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Gorky fut acheté au moment du dégel ; je ne pus le visiter en hiver. Nous décidâmes d’y emménager définitivement lorsque la route serait dégagée et de ne plus retourner à Moscou.
Encore des malles, encore des choses à emballer. Le personnel ne voulut pas nous suivre à la campagne. On trouva une nouvelle cuisinière et une jeune femme de chambre, Marfoucha, qui s’avéra très habile et débrouillarde ; elle nous servit presque jusqu’à Petrovskoe. Lire la suite →